
La suradaptation, vous connaissez?
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Ah! S'adapter encore et encore, plus que plus, je suis sûre que ce thème vous est familier.
S'adapter à sa famille pour ne pas faire de vagues, à son conjoint pour ne pas le froisser, à son patron pour lui montrer que je suis un.e employé.e modèle, à ses collègues pour ne pas les énerver, à ses amis parce que "je ne suis pas chiant.e", etc.
Quand on les accumule, autant de situations qui posent la question suivante: "Quand est-ce que je m'occupe de mes propres besoins?"
S'adapter, de temps en temps, parce que la vie nous le demande, oui.
Mais se suradapter en se mettant constamment de côté, non!
Voyons, ensemble, les causes et les enjeux de ce comportement.
La suradaptation, aussi appelée "people pleasing," est un mécanisme de survie
Elle se traduit par la tendance à toujours faire plus que son mieux pour répondre aux attentes des autres.
Faire plaisir afin de ne pas faire de la peine ou montrer constamment la meilleure image de soi au point d'oublier ses propres besoins et désirs.
La suradaptation est le meilleur moyen que nous ayons trouvé pour être accepté, validé, aimé, dans nos environnements, là où la somme de nos expériences personnelles nous a montré qu'il fallait toujours en faire plus pour combler les manques affectifs et les blessures de notre enfance, parfois héritées des personnes avant nous.
En d'autres termes, survivre dans un environnement hostile qui risque de nous faire perdre nos moyens
Se qui se cache derrière? La peur de déplaire, de déranger, de se faire juger négativement ou de se faire exclure.

On retrouve, ici la fameuse blessure de rejet, blessure émotionnelle que nous sommes beaucoup à porter, car elle fait écho à une peur archaïque: celle d'être rejeté du "clan" auquel nous appartenons.
Aujourd'hui on parle plutôt de systèmes pour évoquer un groupe avec ses règles, codes et comportements relatifs: le système familial, professionnel, amical, etc.
S'oublier soi-même, c'est se priver de la place et du respect auxquels nous avons droit
Un manque affectif ne résulte pas forcément d'un père ou d'une mère absents, mais peut découler de besoins spécifiques insatisfaits
Par exemple, lors de notre enfance ou adolescence, dans les situations du quotidien, au sein de notre famille, à l'extérieur avec nos camarades ou les adultes de notre environnement.
Notre sentiment de sécurité intérieure (qui fera l'objet d'un prochain article), cette sensation de confiance et de paix avec soi-même et son environnement nécessaire à notre bien-être, n'a pas pu se construire de manière optimale.
Ce manque est une des causes d'un comportement de suradaptation.
Si j'ai peur que l'autre réagisse de manière négative, c'est que je me sens comme une proie de ces potentielles attaques, j'ai donc peur qu'il m'arrive quelque chose
En tant qu'enfant, nous avons une intelligence particulière à comprendre notre environnement et une capacité d'adaptation hors du commun.
Adultes, nous gardons ces mécanismes et en se suradaptant, nous ne remplissons jamais ce vide laissé par le manque de sécurité intérieure qui nous a poussé à mettre nos réels besoins de côté pour survivre dans un milieu où nos ressentis, pour diverses raisons, n'ont pas eu l'espace d'être accueillis.

Quand on perçoit le message, souvent de manière inconsciente, qu'on est pas "assez", qu'on a pas fait "assez bien", qu'on est pas "conforme" tel que l'on est, on met en place un mécanisme de compensation pour se faire accepter de toutes les manières.
Comment s'en rendre compte?
En observant ses propres réactions et actions par rapport à l'autre, dans les situations quotidiennes. Et remarquer s'il n'existe pas un déséquilibre entre tout ce que nous faisons pour l'autre et ce que nous faisons pour soi.
Reconstruire son estime (la valeur que l'on se donne) et sa confiance contribue grandement à nourrir le sentiment de sécurité intérieure

À vouloir trop bien faire, nous en arrivons souvent à nuire à notre propre bien-être. Et, par extension, à vouloir faire plaisir à tout le monde (ce qui est impossible, même pour toi, Mère Teresa) nous risquons, parfois, de faire plus de mal que de bien.
"Je n'ose pas dire non à cette invitation"
- "Je n'ose pas lui dire que j'ai un emploi du temps bien chargé"
- "Je n'ose pas lui dire que je n'ai pas assez d'énergie à lui consacrer"
- "Je n'ose pas lui partager mon opinion sur cette activité qui ne me plaît pas"
- Etc.
Cela peut laisser l'autre dans une attente ou une incompréhension qui finit en déception, par manque d'honnêteté camouflée par la peur.
Si nous regardons les choses objectivement, oui, le risque de réaction négative est possible, mais les chances de réactions positives sont souvent égales
L'anticipation peut aussi se travailler de manière positive.
De plus, la réaction que l'on redoute tant peut aussi nous permettre d'ajuster notre curseur relationnel, car la personne nous montre son réel fonctionnement et nous permet de nous positionner, à l'avenir, en accord ou en désaccord.
Tout cela, lorsque nous nous en sentirons capable (le désaccord peut aussi simplement se traduire par un éloignement progressif).

Mais les attentes des autres sont-elles vraiment les leurs ou est-ce nos propres projections que nous leur imposons?
À force d'anticiper les désirs, nous pouvons nous retrouver dans des situations où la non-reconnaissance est vécue comme une ingratitude.
Ce que j'ai voulu anticiper n'est, en réalité que la traduction de mon propre prisme du "faire plaisir". Les réalité de chacun.e sont si différentes que ce qui nous paraît "gentil" peut ne pas être perçu de cette manière.
De plus, suivant le niveau de blessures émotionnelles que l on a en face et les parcours plus ou moins tortueux le rejet peut être violent ou pire, la manipulation peut s'installer, sentant que nous nous écrasons face à lui ou elle.
L'histoire de chacun.e est trop aléatoire et comporte trop de facteurs inconnus pour espérer s'épanouir réellement en s'y adaptant de manière excessive
Nous voyons, ici, que s'en remettre à l'autre pour rassurer ses propres peurs et combler ses désirs est, en réalité, plus risqué que de se positionner selon ses ressentis.
En se tournant vers ses propres besoins pour ensuite les articuler avec ceux des autres, nous trouverons un meilleur chemin pour atteindre une stabilité émotionnelle et en accord avec nos pensées et valeurs.

En réalité, nous pensons que nous agissons uniquement pour l'autre, mais nous le faisons bel et bien pour soi
Mais uniquement pour soigner ses propres blessures ouvertes.
Pas toujours facile à assimiler, je vous l'accorde.
Bien souvent, la manière dont nous agissons pour l'autre, lorsque nous sommes en suradaptation, est énergivore et génère beaucoup de stress.

Nous retrouvons enchaînés à nos attentes, parfois nos exigences, une volonté de contrôle de la situation et, au final, une quête vaine
Car la satisfaction pleine et durable est, elle aussi, une illusion, dans ce fonctionnement émotionnel de suradaptation
Lorsque nous nous retrouvons à souffrir de la non-reconnaissance des multiples efforts que nous faisons pour l'autre, nous nous changeons en sauveuse ou sauveur déchu.e qui, inconsciemment, ne cherche qu'à exister et combler ses besoins de reconnaissance, aussi pur et bon que notre coeur est.
Nous nous sentons seuls, incompris, rejetés. L'extérieur ne reconnaît pas tout ce que nous avons fait pour lui ou, du moins, pas de la manière dont nous aurions voulu...

L'illusion est pleine et le retour à la réalité est parfois très dur, je le comprends tout à fait, car j'en ai, moi-même, fait les frais.
N'est-ce donc pas nos propres besoins de reconnaissance qui sont déçus, touchés ou meurtris?
Mais il ne sert à rien de s'en vouloir, car au fond, cette part qui aimerait:
- que les gens se rendent compte de tous nos efforts
- qu'ils soient plus comme ceci ou comme cela
- qu'ils agissent dans notre sens
- qu'ils nous disent ce que nous voulons entendre
- qu'ils nous soutiennent d'une certaine manière
n'est qu'une part infantile qui vit avec des besoins non comblés et qui, plus les années passent, cogne de plus en plus dans notre tête, dans notre coeur (voir l'article "L'enfant intérieur, mais c'est quoi? Et pourquoi est-il si important?")
On essaye de se faire du bien et de s'apaiser quand on se sent mal, parfois en trouvant des excuses à l'autre ou à soi-même, c'est normal.
Mais quand des actes et des situations répétitives nous mènent toujours dans le même état d'esprit, à la déception et à l'épuisement, posons-nous ces questions: "Pourquoi j'agis toujours comme cela?", "Pourquoi j'accepte?" et surtout "Comment faire évoluer mes comportements?"

Nous ne pouvons pas plaire à tout le monde et les enjeux ne sont pas les même suivant le degré de relation
En dosant notre énergie, nous nous permettons d'être plus disponible pour les personnes qui comptent réellement pour nous (qui se comptent souvent sur les doigts d'une main) et de leur apporter une présence de qualité.
L'être humain est un être collectif résolument tourné vers lui-même. Nous ne pouvons pas nier nos ressentis et bagages émotionnels.
Nous pouvons mettre un couvercle dessus (qui se fissurera), mais l'existence de nos émotions est bien réelle.
Pour résumer, la suradaptation c'est :
- Excès d'efforts pour satisfaire les attentes des autres
- Oubli de soi
- Peur de déplaire, de ne pas être aimé ou accepté
- Syndrome de la "bonne petite fille" ou du "bon petit garçon" (certains l'appelle même "le bon petit soldat")
- Quête de la perfection
- Difficulté à dire non, même épuisés.es et dépassés.es
Et les conséquences fréquentes sont :
- Épuisement physique et mentale
- Stress chronique
- Troubles de l'anxiété
- Douleurs physiques
- Sentiment d'isolement (déconnecté de ses propres besoins et sentiment d'en faire plus que les autres)
- Burn-out
- Dépression
Comment sortir de la suradaptation ?
- Identifier les peurs qui motivent la surapadtation, dans chaque situation
- Identifier et prioriser ses besoins en commençant avec des situations simples, pour s'y habituer
- Poser des limites claires et les respecter
- Oser, petit à petit, dire non
- Rechercher de l'aide, consulter pour mieux se comprendre et apprendre des stratégies pour s'en sortir

Là encore, c'est une question d'équilibre.
Utiliser nos capacités d'adaptation comme un outil pour évoluer sainement et arriver à nos fins, sans se manquer de respect et sans s'épuiser, toujours dans un but d'épanouissement.
Je bouscule peut-être l'héritage de nos sociétés qui accorde une grande importance à l'aide au prochain. Bien sûr, sans dénigrer ni rejeter, mais en équilibrant cette notion de place en lui apportant une réflexion supplémentaire.
Il est parfois sain de penser autrement et surtout de se tourner vers nos réels ressentis pour adapter nos agissement à nos besoins, sans se suradapter constamment à une collectivité qui avalerait l'individu.
L'un et l'autre peuvent coexister.
Article rédigé avec amour et passion,
merci de respecter mon travail et le temps investi, en me mentionnant.
Rasha Bachaay, votre thérapeute proche de l'humain